Plaidoyer pour une réponse proportionnée. Centraide du Grand Montréal
Ce sont parfois des problèmes financiers ou de santé, ou juste un emploi du temps trop chargé. Notre cour est pleine, et nous aimerions sécuriser les choses que nous pouvons contrôler. Pour les problèmes des autres, on repassera. C’est peut-être là une explication toute simple de la résurgence de l’attitude « pas dans ma cour », dont l’actualité nous a offert plusieurs exemples au cours des derniers mois.
L’un des multiplicateurs de fatigue est très certainement la quantité de problèmes graves auxquels nous ne semblons pas avoir de solutions immédiates et profondes. La nature, qui a horreur du vide, a la gentille habitude de le remplir. C’est ce qui se passe actuellement, alors que l’apparente absence de solutions est comblée par un mélange de pseudo-commentateurs sur les réseaux sociaux et de craintes légitimes des citoyens.
Des plans insuffisants
Le gouvernement du Québec a récemment publié son Plan d’action gouvernemental pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale, ainsi que la Stratégie québécoise en habitation pour s’attaquer à la crise du logement.
Il y a du bon dans ces deux plans. Mais ils m’ont malgré tout laissé pantois, comme beaucoup d’acteurs de la société civile, des groupes communautaires aux promoteurs immobiliers.
Premier constat : les deux plans manquent cruellement d’argent et semblent refléter l’incapacité financière du gouvernement à mettre en œuvre des solutions.
Deuxième constat : quoi qu’en pensent certains, même si l’exercice n’est pas parfait, il y a eu un effort des deux ministres responsables de consulter les groupes concernés.
Troisième constat : la réponse aux enjeux de la lutte contre la pauvreté et du logement, nécessairement interreliés, n’est pas proportionnée. Je m’explique : en relations internationales, il y a un concept de « réponse proportionnée ». Une réponse proportionnée implique qu’elle est à la mesure de la gravité de la situation, tant dans son ampleur que dans sa vigueur.
Il me semble que nous ne sommes pas en mesure de trouver de réponses proportionnées à la gravité des problèmes sociaux.
Et je crois que c’est en partie parce que, pour certains projets ou enjeux, les personnes concernées ne sont pas assises autour de la table. Les porteurs de solutions concrètes, actuelles et durables qui s’attaquent à la structure du problème ne sont pas consultés.
Il nous faut des interventions catalytiques basées sur la connaissance du terrain pour accélérer la compréhension et le déploiement de solutions innovantes. Ce que, dans certains milieux, on appelle l’innovation sociale.
Il nous faut développer la capacité de se remettre en question, d’accueillir les interventions de gens dont les positions historiques sont diamétralement opposées aux nôtres.
Je sens que nous sommes engagés sur cette voie. Les deux plans précités ont réuni dans leurs consultations des acteurs économiques, communautaires et institutionnels. Des solutions différentes émergent régulièrement, pour ne pas dire chaque mois. Les barrières à la collaboration baissent tranquillement.
Je sens poindre une volonté de s’attaquer structurellement aux enjeux sociaux. Et vous savez quoi ? Nous n’avons d’autre choix que de nous y mettre et de penser à long terme. La dissémination de mesures temporaires ne fait que panser les plaies, soulager sans s’attaquer aux causes.
Un grand besoin de mobilisation
Dans le cadre de mon travail, j’ai assisté à des interventions de travailleurs de rue auprès de personnes en situation d’itinérance. Chaque fois, ce qui m’a frappé, c’est l’humanisme qui s’en dégageait. Ça vous paraît peut-être une évidence, mais il est quand même bon de se rappeler qu’une personne en situation d’itinérance habitant notre quartier est aussi un voisin, ainsi qu’un concitoyen.
La cohésion sociale dont nous sommes si fiers au Québec est en danger, il faut se l’avouer.
Si j’ai acquis une certitude, au cours de mes 10 dernières années en philanthropie, c’est que seul, on avance à tâtons. Les deux plans déposés ne se réaliseront pas de manière autonome et les ministres ne peuvent plus assumer seules le leadership nécessaire.
Demeurer dans les gradins et critiquer tout ce qui bouge n’est pas utile, c’est même contre-productif.
Nous avons besoin de mobilisations innovantes et inspirantes dans la construction d’un avenir plus juste et équitable.
Il en va d’un vivre-ensemble bienveillant, empreint d’altruisme, qui n’a d’égale que l’audace que nous aurons à bâtir un monde où tout le monde trouvera sa place.
1. Lisez la chronique « La majorité fatiguée »